Fernando Duffau

Tous les mois, Dauphine Culture met en lumière le parcours, le projet, ou la structure d’anciens de notre réseau. En octobre, venez rencontrer Fernando Duffau (FC 2020), responsable de la tournée de l’Orchestre des Jeunes de la commune de La Pintana du Chili.

  • Pourquoi avoir choisi le master Management des Organisations Culturelles ?

 Depuis plusieurs années, j’envisageais de suivre une formation professionnelle dans cette matière en France. Entre mes activités professionnelles et mes responsabilités, le temps est passé très vite. Je suis issu d’une famille d’artistes d’origine française ayant immigré au Chili au début du XXème siècle. Mon histoire personnelle, familiale, culturelle et professionnelle reste intimement liée à la France. Après mes études de violon et alto au Conservatoire à rayonnement régional de Paris (CRR) et à l’École normale supérieure de Musique de Paris (ENSMP), j’ai notamment fait une carrière artistique, comme violoniste et altiste, en France, au Luxembourg, en Suisse et en Amérique latine.

Alors que je travaillais au Chili, Xavier Dupuis fut invité par Ernesto Ottone, ancien ministre de la culture du Chili et ancien élève du master Dauphine, à donner une série de conférences à Santiago. J’ai ensuite eu l’opportunité de rencontrer Ernesto Ottone à Paris, qui entre-temps avait été nommé sous-directeur général pour la culture à l’UNESCO. Alors j’ai pris ma décision : le master Dauphine était la formation que je voulais et j’ai postulé uniquement à celui-ci. Plusieurs raisons m’ont conduit à le choisir : le prestige et la qualité de la formation, la variété des matières qu’elle aborde, l’excellence des professeurs, ainsi que le lien qui existe entre cette formation et le Chili. Aussi, cela m’a permis de continuer à enrichir mes expériences professionnelles en France.

  • Quel a été l’impact de cette formation sur votre parcours professionnel ?

 Quand j’ai commencé ma formation dans le Master 2 Dauphine, en 2020, c’était la troisième fois que je venais en France. Après dix ans de travail, j’avais décidé de donner une nouvelle orientation à ma carrière, j’ai voulu me spécialiser dans la gestion culturelle parce que j’avais l’intime conviction de pouvoir apporter, avec mon expérience comme artiste, un regard de terrain nécessaire dans le management, le financement des projets et le développement culturel. La formation de master 2 de Dauphine m’a permis de connaître et d’approfondir différentes matières de gestion, du droit, de politique culturelle, qui ont été essentielles pour le développement ultérieur de ma carrière professionnelle. Cette formation offre, par ailleurs, une opportunité unique d’apprentissage académique et humain et représente une belle carte de visite professionnelle.

  • Pouvez-vous nous parler du poste que vous occupez actuellement ?

 Je suis responsable de l’organisation et production de la tournée européenne, prévue pour novembre 2023, de l’Orchestre des Jeunes de la commune de La Pintana, du Chili. C’est un poste de coordination générale au sein d’une équipe. Avec Diego Pérez de Arce, docteur en économie franco-chilien, et Anne-Sophie de Ginestel, consultante en management, nous avons créé une structure qui a pour objectif de mener à bien cette tournée. De plus, nous avons obtenu le soutien enthousiaste de l’ambassadeur du Chili en France, José Miguel Capdevila.

La musique est devenue le vecteur essentiel de développement pour les adolescents de l’Orchestre des Jeunes de La Pintana. Ils sont nés et ont grandi dans l’un des quartiers les plus pauvres du pays, et ont souffert de discrimination et d’exclusion. La musique classique les aide à développer la communication et favorise leur intégration sociale. La pratique de la musique orchestrale leur permet d’apprendre à interagir en équipe, favorisant ainsi la solidarité, le respect et la responsabilité. Ainsi, le sentiment d’appartenance à la communauté se renforce. L’orchestre de jeunes de la Pintana est un exemple extraordinaire de progrès social et de démocratisation culturelle. Nous travaillons avec différents partenaires pour permettre que ces jeunes puissent faire connaître leurs histoires et leurs talents en France, c’est un cadeau pour le public et une expérience unique qui marquera la vie des jeunes interprètes.

  • Pourquoi avoir choisi de travailler au sein de la tournée européenne en 2023 de l’Orchestre des Jeunes La Pintana et quelles sont les particularités du projet ?

 Ce projet est unique en son genre, d’abord par sa portée sociale : des jeunes d’un excellent niveau artistique qui composent cet orchestre viendront donner des concerts dans de grandes salles à Paris, à Amsterdam et à La Haye. En plus des concerts, les jeunes partageront et seront accompagnés de jeunes talents français et hollandais et pourront suivre quelques master classes avec des maîtres européens. Avec le soutien de conservatoires de Paris (CRR, ENSMP), de ceux de Pantin, d’Amsterdam et de La Haye, ces jeunes musiciens chiliens séjourneront deux semaines en France et dans les Pays-Bas, pendant le mois de novembre 2023. Mais le projet ne s’arrêtera pas à cette tournée, puisque nous souhaitons que les jeunes musiciens français et néerlandais puissent aller au Chili en 2024 et qu’on puisse tisser ainsi des liens à long terme dans ces domaines entre la France et le Chili.

Je voudrais finir par un petit rappel historique qui me semble important. Le mouvement des orchestres d’enfants et de jeunes a commencé dans les années 1960 au Chili, promu par le chef d’orchestre et compositeur Jorge Peña Hend. Celui-ci a été exécuté en 1973, pour des raisons politiques, sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet. L’année suivante, trois professeurs de musique de l’équipe de Peña Hend, H. Jerez, P. Vargas et S. Miranda, se sont exilés au Venezuela et ont reproduit le modèle chilien qui a servi de base au programme public d’éducation musicale dénommé  El sistema .

En France, dans les années 2000, sur la base de la méthode latino-américaine, ont été créés le Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale (DEMOS) et l’Association orchestre à l’école. En partenariat avec le ministère de l’Éducation, ils occupent une place importante dans la vie culturelle française. Parmi beaucoup de personnalités formées dans les orchestres de jeunes du  El sistema  vénézuélien, figure l’actuel directeur de l’Opéra National de Paris, Gustavo Dudamel.

  • Pouvez-vous nous confier 3 compétences incontournables pour exercer votre métier ?

 Pour moi, il n’y a pas forcément de compétences incontournables. Dans la diversité, on en trouve beaucoup plus que trois, mais que je résumerais seulement en une, qui, à mon sens, a une valeur particulière : savoir s’adapter. Apprenez à vous adapter à la diversité et à l’adversité. Je ne veux pas faire un cliché de ceci, mais j’y crois très profondément. J’ai eu l’opportunité, dans mon parcours professionnel, de cotoyer des réalités culturelles et économiques très diverses. Je pense, par exemple, qu’il faut savoir s’adapter à la richesse de l’exception culturelle française, ne pas systématiquement se plaindre, ce que l’on voit chez de nombreux acteurs culturels. Par rapport aux pays où j’ai collaboré ou travaillé, la réalité française me semble d’une grande richesse, unique et généreuse.